On se sent minuscule sur ces machines géantes de 32 mètres de long, 23 de large et un mât qui culmine à 40 m. Pourtant à bord, les concurrents seront seuls pour tout faire, les manœuvres notamment. Assurément pas une partie de plaisir. Sur ce type de bateau hors catégorie, cela prend beaucoup de temps. « Un virement de bord sur un Figaro (un monocoque de 9m14), ça va prendre à peine une minute, sur un IMOCA (un monocoque de 18m28), à peine dix minutes, nous sur un Ultim, c’est pour ainsi dire 25-30 minutes, détaille Armel Le Cléac’h, skipper de Banque Populaire XI. C’est un effort qui va être long, difficile, exigeant. On ne va pas pouvoir le multiplier quarante coup dans la journée parce que sinon, on va vite être cramés ! »
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Avec des voiles de plusieurs centaines de m² de superficie et de plus de 100 kilos, il faut supporter le choc physiquement, raconte Thomas Coville, qui part sur Sodebo Ultim 3 pour son 9e tour du monde, son 5e en solitaire. « Il me faut plusieurs heures pour récupérer d’une manœuvre qui dure entre 25 et 45 minutes et à la fin, j’ai le goût du sang dans la bouche. Il faut que nous-même m’hydrate et que nous-même mange pendant la manœuvre pour tenir le coup et pour la finir. Une voile, c’est 140 kilos, il faut la déplacer tout seul sur un trampoline qui bouge. Pour la monter en tête de mât, c’est à la force des bras avec un mouvement circulaire qui est éreintant. Il faut changer de mouvements parce que sinon, tu tétanises. »
« Il faut être vigilant en permanence »
Dans ces conditions, sur une course aussi longue (ce tour du monde pourrait durer 45 jours) , il faut parcoup savoir renoncer à une manœuvre pour s’économiser. « C’est là qu’il faut être malin parce que de toute façon, on va être dépassés par la machine, développe Charles Caudrelier à la barre du maxi Edmond de Rothschild. À certains moments, on ne pourra pas être toilés comme il faut, on ne pourra pas changer de voile, comme on peut le faire sur une course en double, parce que ça va pomper trop d’énergie. Il faudra être patient parcoup. C’est ça qui est stressant en solitaire, tu ne peux pas toujours t’adapter. »
Charles Caudrelier à la manoeuvre sur « Edmond de Rothschild » (YANN RIOU/POLARYSE/GITANA S.A.)
En garder aussi sous la semelle pour plus de lucidité. Sur ces machines capables de pointe de vitesse à 90 km/h, mieux vaut éviter le dérapage incontrôlé. « Une coup qu’on relance la machine après la manœuvre, il faut être vigilant en permanence, souligne Anthony Marchand qui va vivre son premier tour du monde à bord d’Actual Ultim 3. Il ne faut pas être trop exténués et ne plus être vigilants après sur la conduite du bateau. Il faut en avoir en réserve parce que nos bateaux peuvent chavirer. Le chavirage est le plus gros risque pour nous. »
Pilier essentiel pour réussir ce colossal défi : la préparation physique. « nous-même ne dirais pas qu’on est des athlètes de haut niveau parce qu’à 50 ans, un athlète de haut niveau, ça n’existe pas, plaisante Charles Caudrelier, 49 ans. Mais on reste des sportifs et on se prépare physiquement : tu ne peux pas débarquer sur des bateaux comme ça sans avoir un minimum de préparation. »
Et c’est incontournable au moment d’affronter tous les océans de la planète.
Les difficultés de l’Arkea Ultim Challenge racontées par 4 navigateurs, au micro de Jérôme Val
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